Chapitre 19 – Une promesse inavouée
19 décembre 2023Chapitre 21 – Origines
21 décembre 2023Aelius lança un regard plein d’espoir en direction de sa mère. Elle secoua la tête quand elle comprit qu’il voulait se rendre immédiatement dans les catacombes. Aelius murmura du bout des lèvres sa formule magique. Il avait raffermi sa prise sur Elara, pour être certain qu’elle parte avec lui. Une brume rose s’éleva du sol, la jeune femme aperçut les proches du magicien se rassembler pour leur souhaiter bonne chance.
Des picotements la parcoururent et l’instant d’après ils se trouvaient devant la porte en fer menant aux catacombes. L’estomac en vrac, des haut-le-cœur soulevaient sa poitrine. Elle lâcha Aelius pour s’accroupir, retrouver une prise ferme avec la terre. Aelius récupéra sa forme spectrale, laissant retomber son bâton et la clé.
— On aurait pu attendre demain pour venir ici, gémit-elle. On y serait allé à pied plutôt qu’en se téléportant.
— Ça va vite passer ! la rassura le magicien. Et je mourrais d’envie de voir ce qu’on allait trouver ! Impossible de patienter plus longtemps !
Au bout de quelques minutes, les nausées de la jeune femme s’atténuèrent. Elle observa le visage paisible d’Aelius, se demandant si la conversation avec le roi l’avait apaisée.
— Ça va ? s’inquiéta-t-elle.
Le magicien croisa les bras sur son torse. Il prit quelques instants avant de lui répondre.
— Je crois que oui. Je ne peux pas dire que j’ai tout pardonné, mais d’avoir parlé avec eux a calmé les tourments qui m’accablaient.
Elara ramassa le bâton et la clé. La fraicheur de la nuit se répandit sur sa peau. Hors du dôme, sa tenue n’était pas adaptée pour le froid de l’hiver.
— Génial, grelotta-t-elle. Je vais me transformer en glaçon.
Le magicien lui passa la main dans le dos pour récupérer son bâton. En un instant, Elara se retrouva avec des vêtements chauds, un pantalon en velours vert ainsi qu’un gilet touffu et doux qui sentait le bonbon.
Aelius lui redonna ses affaires et s’avança vers les portes.
— On y va maintenant ? J’ai déjà fait un tour, l’avantage de la forme spectrale. Mais je n’ai rien découvert d’intéressant.
Est-ce là-bas qu’il avait trainé pendant sa disparition ? S’il n’avait rien vu, Elara se demanda si elle pourrait l’aider.
— Je sais ce que tu penses ! lança Aelius. Le meilleur des magiciens n’a rien trouvé ! Comment pourrais-je le seconder ? Je suis persuadé que ton pouvoir différent doit être la clé ! D’ailleurs, en parlant de capacité, ma mère a dit que tu l’avais soignée au château. Notre entrainement a porté ses fruits ! Était-ce difficile ?
Comme à chaque fois qu’il mentionnait la magie, Aelius s’emballait, ses yeux pétillaient.
— Je crois qu’après l’entrevue avec le roi, j’avais vraiment très envie de la soigner. J’y ai mis toute mon énergie.
— Hum.
Il secoua ses cheveux, pensif.
— Je suis persuadé qu’avec de l’entrainement, ça deviendra naturel !
— Si tu décides de retourner à ton époque avec le cristal, on pourra toujours se revoir, quand tu seras vieux et ridé. Tu viendras faire un tour à Aubelumière pour apprendre à une sorcière à utiliser sa magie.
Son ventre se serra et elle regretta immédiatement d’avoir prononcé cette phrase qui déclenchait chez elle une vague d’émotion. Cela n’échappa pas à Aélius dont le visage se ferma.
Est-ce qu’elle souhaitait tellement le renvoyer dans son temps ? Il lui avait pourtant dit qu’il imaginait rester à ces côtés. Il avait même eu l’impression qu’elle l’appréciait. Est-ce qu’il se trompait ? Il voulut lui poser les questions qui lui martelaient le crâne, mais rien ne sortit de sa bouche. Il était paralysé par la peur d’être rejeté.
Elara secoua la tête, avança vers les grilles et enfonça la clé argentée. Le temps passé avait rajouté de la rouille et ce n’est qu’avec beaucoup d’effort qu’elle réussit à en entrouvrir une, lui permettant de se faufiler à l’intérieur des catacombes.
Dès les premiers pas dans les allées sombres et humides, des sphères lumineuses se matérialisèrent le long des murs en briques noires.
— Qu’est-ce que ? souffla Elara.
— J’avais vu juste, s’engaillardit Aelius. Ta présence a dû activer la magie de ce lieu.
Au milieu du couloir, une boule dorée d’un plus gros diamètre flottait à quelques mètres du sol. Une envie irrésistible de la toucher s’empara d’Elara. Elle avança, attirée inexorablement par la lueur qui s’en échappait.
— Elara ! cria Aelius.
Mais la jeune femme, comme hypnotisée, l’effleura du bout des doigts.
« Seul sur son radeau, Thalior utilisait une vieille planche pour ramer. Seul survivant de la tempête, tout l’équipage du Gatura avec été décimé. Est-ce qu’il allait réchapper à cette épreuve ? Il ne pouvait pas douter. Malgré la faim et la soif qui le rongeaient à l’intérieur, il continua de ramer. Combien de jours ? Il ne sut le dire, mais quand il aperçut des terres, l’espoir qui ne s’était jamais éteint s’embrasa. Il avait réussi. Lorsqu’il posa le pied sur le rivage, il sentit tout de suite qu’il n’était pas chez lui. Les sensations qui provenaient du sol étaient différentes. Il le savait, car c’est de là qu’il tirait son pouvoir. Du centre de la Terre. La nature lui conférait son don d’adoucir les aléas de la vie et les maladies. Chez lui il était un guérisseur, on le chérissait comme la dernière merveille du monde. »
La vision d’Elara s’arrêta. Elle retrouva le froid humide des catacombes et l’air inquiet du magicien.
— Est-ce que ça va ?
— J’ai eu une vision, souffla-t-elle.
Les yeux d’Aelius se plissèrent.
— De quoi ?
— Un homme perdu. Aelius, je crois qu’il avait les même pouvoir que les miens. Est-ce que ça pourrait être mon ancêtre? Celui de la légende ?
Alors que son cerveau bouillonnait d’interrogation, une autre boule apparut au fond du couloir.
— En tout cas, affirma Aelius. Si c’est lui, il veut te montrer quelque chose.
Elle s’approcha de la deuxième sphère intriguée puis la frôla du bout des doigts. Qu’est-ce qu’elle allait voir ?
« Après des jours de marche sans âme qui vive, les premières habitations se dévoilaient dans l’horizon. Dans cet étrange royaume se découpa un château sombre et menaçant surplombant des habitations. Quand il se présenta aux occupants, ceux-ci lui jetèrent un regard dédaigneux et nul ne lui proposa de l’aide. Il était pourtant mal en point, vêtu de haillons, la peau sur les os. Il cherchait un abri, du repos. Il s’effondra au pied d’une fontaine ou une femme remplissait des carafes d’eau, corvée quotidienne. L’ignorant d’abord, elle lui tendit un verre, un geste d’humanité soudain. »
Elle reprit pied dans la réalité. Le château avait changé, mais elle l’avait reconnu.
— Je crois qu’il était à Colroy. Mais quelque chose cloche. Ça n’avait rien à voir avec la ville d’aujourd’hui.
— Si c’était il y a longtemps normal que ça ait changé, répondit Aelius en levant les sourcils.
— Pas l’architecture ! L’ambiance était pesante, comme si tous les habitants étaient malheureux.
Elara grimaça, pensive. Quand une nouvelle sphère apparut, elle s’élança pour déclencher une autre vision.
« Le rire de Margot résonnait dans le cœur de Thalior. Après des semaines consacrées à apaiser les tourments de son âme, il avait enfin réussi à libérer la femme qu’il aimait de l’étreinte étouffante qui pesait sur les lieux. Désormais, l’idée de retourner dans son pays s’était évaporée de son esprit. Sa place était ici, aux côtés de la femme qu’il chérissait. Cependant, plus il méditait sur la situation, plus il se rendait compte de la nécessité de trouver une solution.
Son désir profond était de fonder une famille, d’accueillir des enfants dans la joie et le bonheur. Cependant, il ne pouvait ignorer la menace de “la malédiction”. Imaginer que ses propres enfants puissent être victimes de ce fléau était insupportable. Thalior se sentait investi d’une mission : protéger ceux qu’il aimait. Pour y parvenir, il devait impérativement trouver une solution.
Installé sur une imposante chaise devant un bureau, il griffonnait inlassablement des idées pour sauver les habitants de ce continent »
Elara écarquilla les yeux. La malédiction existait à l’arrivée de son ancêtre. Pire encore, elle semblait toucher tous les habitants de Colroy. Thalior avait sauvé sa compagne avec sa magie, était-ce le sacrifice dont parlait l’histoire de son enfance ? Quel était le lien avec le cristal ? L’avait-il aussi utilisé à l’époque puis caché dans les catacombes ?
— Je crois que la malédiction sévit sur le pays depuis bien plus longtemps que ce qu’on pensait, chuchota-t-elle.
— C’est ce que tu as vu ? l’interrogea Aelius. Les habitants de Colroy étaient aussi touchés ?
Le magicien semblait maintenant préoccupé. Et si Paul avait raison ? Si leur visite des catacombes libérait un fléau encore plus grand ?
— Il me faut la suite ! déclama Elara.
Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine. Ses pas s’accélèrent, elle se mit à courir à la recherche de la prochaine sphère lumineuse. Dès qu’elle l’aperçut, elle fonça dessus.
« – Thalior, tu ne peux pas faire ça. Je porte ton enfant. Que vais-je advenir s’il n’a plus de père.
– Ca va aller Margot. Je suis sûr de moi. Mes pouvoirs peuvent contrer cette malédiction. Il me faut juste un catalyseur.
Thailor décrocha avec douceur le pendentif de sa femme. Une petite gemme bleue sertie d’une parure en or.
– Mon amour pour toi est tel qu’il peut soulever des montagnes.
Au milieu du champ de fleur où il se trouvait, Thailor focalisa tous ses pouvoirs dans le collier qu’il tenait fermement. Ce collier qui lui rappelait sa femme. Ce collier serait celui qui briserait la malédiction de ses lieux. Il insuffla tout le pouvoir qu’il pouvait, et le concentra dans le collier. Jusqu’à la moindre goutte de son énergie magique fut utilisée ce jour-là. Quand il eut terminé, un flash lumineux éclaira tout le continent. Les nuages noirs qui planaient au-dessus de lui s’évaporèrent pour laisser la place à un ciel azur. Thailor s’écroula au sol. Il ne pourrait plus jamais faire de magie, mais sa famille serait en sécurité. Il se laissa cajoler dans les bras de sa femme adorée. »