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12 décembre 2023Chapitre 14 – Rapprochement
14 décembre 2023— Tu nous as téléportés ?
Elara se retourna en direction d’Aelius qui leva les mains au ciel.
— C’est magique, répondit-il avec un clin d’œil. Je n’étais pas sûr d’avoir assez de chakra à disposition. C’était un deuxième test.
Elle fut incapable de retenir un sourire. Il semblait tellement fier de lui. Ses pouvoirs devaient vraiment lui manquer. Elle avait le sentiment de découvrir une nouvelle personne.
— Tu es impressionnée, hein ? se vanta-t-il. Ce n’est pas tous les jours qu’un magicien royal te téléporte !
— J’y suis un peu pour quelque chose, non ? pouffa-t-elle.
— Carrément ! Je présume que tu arrives à me prêter ton chakra ! Je n’avais jamais vu ça. La puissance que je ressens quand je te touche est incroyable ! Je ne comprends pas que tu laisses ce potentiel en sommeil. Maintenant que je suis là, tu n’échapperas pas à une formation digne de ce nom !
Elle levait les yeux au ciel en se demandant dans quoi elle s’était encore embarquée. Elle ne souhaitait pas devenir magicienne, juste sauver son père. Sa vie lui convenait très bien. En voyant Aelius échafauder des plans d’entrainement, elle avait l’impression de revivre ses conversations avec Doc. Comme s’il fallait toujours s’améliorer. Toujours faire plus.
— Ah !
Il stoppa son monologue.
— Je t’emmène d’abord dans la meilleure auberge de la ville ! Et une fois la nuit tombée, on pourra se rendre aux catacombes. Est-ce que ça te va ? Moi je n’ai pas besoin de manger ou de dormir, mais ce n’est pas ton cas. Et tu as l’air frigorifiée.
Il semblait enchanté de retrouver Colroy et de la faire visiter à Elara.
— Suis-moi !
Il s’élança avec entrain dans les ruelles pavées de Colroy. Elara en profita pour admirer l’architecture de cette grande ville. Ses parents les avaient toujours surprotégés, sa sœur et elle. Selon eux, il n’y avait rien de bien intéressant à Colroy. Sa mère s’y rendait dans son adolescence et détestait utiliser l’argent plutôt que le troc. Elle trouvait cela terriblement archaïque. Pourtant Elara regardait avec merveille les maisons colorées défiler sur son chemin. Il se dégageait de cette ville la même chaleur que dans son village. Ici aussi, à l’approche du solstice, les commerçants préparaient des boissons chocolatées aux épices qui embaumaient les rues. Lorsqu’ils arrivèrent sur la grande place, des chants d’enfants les accueillirent. Elara commença à s’inquiéter quand ils repassèrent devant la chorale une troisième fois et que le pas d’Aelius devint plus hésitant.
— Aelius ?
Le magicien s’arrêta, ses épaules s’affaissaient.
— Aelius, insista-t-elle, tu es perdu ?
Comme il ne répondait pas, elle se planta devant lui d’un air décidé puis lui attrapa la main pour le forcer à la regarder.
— Ça fait trois fois qu’on passe par ici. Je croyais que tu savais où aller ?
Il fronça les sourcils en se pinçant les lèvres. Ses yeux se voilèrent, Elara eut l’impression qu’il était complètement perdu. Son assurance venait de s’envoler.
— Je… bégaya-t-il. Je… ne retrouve pas l’auberge où je me rendais quand j’étudiais à l’académie. Elle devrait se trouver la, à la place du cordonnier.
— Oh…
Elara observa autour d’elle. Elle sentait la main tremblante d’Aelius dans la sienne. Une auberge ne se volatilisait pas. Comment cela se faisait-il qu’il ne la retrouve pas ? Est-ce que ses souvenirs avaient été modifiés dans la stèle ? Dans la rue adjacente à la place, elle repéra un hôtel.
— Regarde ! Dans la rue en bas, ça ressemble à une auberge. On peut y aller ? Et on se renseignera après.
Les yeux glacés d’Aelius, perdus, se posèrent dans ceux de la sorcière. Il fronça les sourcils, puis grimaça comme s’il venait de prendre une décision qui ne lui plaisait pas.
— Donne-moi mon bâton, demanda-t-il.
Avec une pointe d’inquiétude, elle le lui tendit. Qu’envisageait-il de faire ? Il marmonna rapidement quelques mots pour faire apparaitre une bourse d’argent dans les mains d’Elara. Il lui glissa son bâton avec puis la lâcha.
— Tu devrais pouvoir te payer la nuit et des vêtements avec ça, expliqua-t-il. Je te rejoins là-bas d’accord ? Je veux juste vérifier quelque chose.
— Aelius ! Attends ! On vient d’arriver et tu disparais déjà ? Je ne sais même pas où démarrer les recherches.
Il l’observa un instant comme s’il hésitait puis s’envola. Crotte ! Elara se retrouvait seule dans ces rues inconnues à peine cinq minutes après avoir décidé de lui faire confiance. Qu’est-ce qui le perturbait autant ? L’inquiétude commençait à monter, son ventre se tordit face à la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle dévisagea la bourse pleine de pièces d’or que le magicien lui avait laissé. Au moins, elle avait de quoi s’en sortir pendant un moment. Elle chassa son angoisse en se persuadant qu’il reviendrait. En attendant, elle mènerait sa petite enquête de son côté.
Après avoir récupéré un manteau épais ainsi que quelques douceurs pour son ventre qui criait famine, elle demanda son chemin à quelques passants pour se rendre aux catacombes. Ce fut finalement des marchandes bienveillantes qui lui indiquèrent l’entrée. Elle descendit une trentaine de marches dans un couloir sombre pour découvrir d’énormes portes en fer cadenassées. Aelius avait oublié de mentionner que l’accès était interdit. Est-ce qu’il ne le savait pas ? Qu’est-ce qu’il pouvait bien lui cacher ? Elle remontait les escaliers, dépitée, quand une garde qui rejoignait le château l’aperçut.
— Qu’est-ce que vous faites là ?
Son ton sec confirma à Elara qu’elle n’aurait pas dû se trouver là.
— Oh, un ami m’a parlé des catacombes, expliqua Elara. Il m’a dit d’absolument aller les visiter, mais je pense qu’il m’a fait une farce, car elles sont fermées à clé.
— Oui, acquiesça la garde. Sur ordre royal. Depuis 40 ans.
— Depuis 40 ans ? demanda Elara, surprise.
— Oui, le grand magicien a ordonné qu’on scelle l’accès après la disparition de son fils.
Un mauvais pressentiment s’insuffla dans tout le corps de la jeune femme. Elle la poursuivit alors qu’elle continuait sa ronde pour pouvoir la questionner.
— Je suis désolée, je ne veux pas abuser de votre gentillesse, mais savez-vous ce qu’il est advenu de l’Auberge de la grande place ? J’envisageais d’y passer mon séjour.
La garde s’arrêta stupéfaite.
— Mais vous venez de quelle époque ? rigola-t-elle. Elle a fermé ses portes depuis une éternité !
Elara la regarda s’éloigner. Aelius n’avait pas perdu la mémoire dans la stèle, il était simplement resté emprisonné depuis bien plus longtemps que ce qu’il avait imaginé. Son cœur se serra quand elle pensa au choc que ça lui ferait au moment où il s’en rendrait compte. Elle ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour lui. Si elle se réveillait d’un long sommeil et constatait que tous ses proches avaient vécu quarante ans sans elle, elle serait dévastée. Est-ce que les parents du magicien étaient encore en vie ? Était-ce pour ça qu’il avait disparu aussi rapidement, était-il parti à leurs recherches ? Elle souhaitait de tout son cœur qu’il trouve un visage connu. Elle mourait d’envie de le chercher, mais il viendrait sans doute la retrouver quand il serait prêt. Enfin, elle l’espérait. Alors que le soleil disparaissait derrière le château annonçant l’arrivée de la nuit, elle se décida à passer les portes de l’auberge. La pancarte indiquait « Aux cœurs joyeux » et dès qu’elle franchit l’entrée une odeur boisée parvint à ses narines. La réceptionniste, une jolie femme blonde prénommée Filomène l’accueillit avec générosité et bonne humeur. Elle l’emmena au premier étage, dans la seule chambre qu’il leur restait. Quand elle ouvrit la porte, elle découvrit une pièce chaleureuse, aux couleurs hivernales. Un feu brulait déjà dans la cheminée et à côté de la baie vitrée, un sapin décoré de guirlandes dorées brillait de mille feux. Un grand lit à baldaquin trônait au milieu de la pièce. Devant la fenêtre, des fauteuils en rotin, surmontés de couvertures rouges, encadraient une table basse où se trouvait une assiette remplie de petits gâteaux. Filomène la laissa seule, après lui avoir répété mille fois de venir la chercher si elle avait besoin d’aide
Elara s’allongea sur le lit, songeuse. Les draps fraîchement lavés sentaient la vanille lui rappelant sa chambre chez ses parents. Est-ce que sa mère lui en voulait d’être partie ? Elle espérait qu’elle comprendrait sa décision. Elle ne pouvait pas rester à ne rien faire. Pas après ce qui était arrivé à son père. Rien que de penser à son regard éteint, des larmes lui montaient aux yeux. Elle renifla. Elle ne voyait qu’une option pour pouvoir rentrer dans les catacombes. Décrocher une audience avec le roi pour avoir son accord. Filomène saurait peut-être comment faire, elle le lui demanderait demain au petit déjeuner. Son hôte était adorable.
Elle se releva du lit pour s’empêcher de broyer du noir. La petite salle de bain attenante à la chambre l’appelait, elle se débarrasserait volontiers de l’odeur de transpiration qu’elle avait gagnée pendant son ascension du grand chêne. Un système d’eau courante fonctionnait dans l’auberge ce qui permit à Elara de profiter d’une eau bien chaude pour sa toilette.
Elle achevait d’enfiler une chemise de nuit en flanelle aux carreaux imprimés rouges et noirs qu’elle avait achetés plus tôt en ville quand le spectre du magicien apparut dans le reflet du miroir.
— Aelius ! sursauta-t-elle. Tu es de retour ?
Elle boutonna rapidement son décolleté, mais surprit le regard gêné du magicien qui se détourna.
— C’est bon, plaisanta-t-elle, j’ai fini de m’habiller. De toute façon, tu m’as bien fait comprendre que mon corps te laissait indifférent la dernière fois, quand je prenais mon bain.
Il se passa la main dans les cheveux. Elara s’amusa de voir ses oreilles qui rougirent.
— C’était avant de te connaître, toussota-t-il. Et je me comporte bien avec les femmes.
Est-ce qu’il prenait sa boutade au sérieux ? Elle observa son dos musclé alors que son cœur s’accélérait. Les paumes de ses mains devinrent moites. Elle sortit rapidement de la salle de bain pour rejoindre un des fauteuils en rotin. Pendant qu’elle s’affalait en croquant dans un biscuit à la vanille, il s’installa en face d’elle. Elle était contente de le revoir même si elle ne savait pas comment aborder le sujet de ses années d’absence. Elle mâchait silencieusement quand il rompit le silence.
— Je suis désolé de t’avoir laissée seule tout à l’heure. C’est juste que…
Il se pinçait les lèvres, les mots ne sortaient pas. Elle l’aida.
— Je sais… avoua-t-elle. J’ai compris en me promenant dans Colroy et en discutant avec des gardes. Je suis désolée, Aelius. Est-ce que tu as pu retrouver des personnes que tu connaissais ? Ta famille ?
Il détourna la tête, plongea son regard dans le ciel étoilé.
— Je n’ai pas osé rentrer dans la demeure familiale. Je suis resté planté devant pendant des heures.
Sa tristesse résonna chez la jeune femme. Elle se leva et lui attrapa la main.
— Si on trouve le cristal, tu pourrais souhaiter reprendre ta vie ou tu l’as laissée non ? Il y a de l’espoir pour toi aussi.
Il lui serra les doigts, le cœur lourd et le regard voilé.
— Tu crois ?
— On ne le saura pas si l’on n’essaye pas.
Elle arriva à lui tirer un sourire. Est-ce qu’elle avait pu lui donner un peu de son courage ? De son optimisme ?
— J’ai trouvé les catacombes, continua-t-elle. On ne peut pas y accéder. Les portes sont bloquées.
Aelius attrapa la couverture posée sur le dossier pour la déplier sur les épaules dénudées de la jeune femme, il l’avait vu frissonner.
— Je sais. Et je ne pourrai pas les ouvrir avec un sort, j’ai entendu que mon père les a scellés. Il faut une clé spéciale et je crois que c’est le roi qui l’a.
— Je pensais demander à l’aubergiste si elle a une idée de comment obtenir une audience.
— Ce n’est pas la peine, soupira Aelius, c’était mon ami, tu sais. Paul, le prince dont je t’ai parlé, c’est lui le roi maintenant. S’il ne m’a pas oublié, j’ai quelque chose en ma possession qui te permettra de le rencontrer.
Il fouilla dans son veston pour en sortir une pièce argentée différente de celles utilisées par Elara pour ses achats. Il caressait le dos de la main de la jeune femme comme pour tenter de se rassurer.
— J’ai un laissez-passer, souffla-t-il. Enfin, s’il marche encore.