Chapitre 7 – Le magicien royal
7 décembre 2023Chapitre 9 – A la recherche de la carte
9 décembre 2023Sa sœur venait de se précipiter dans la cuisine après avoir entendu son cri de stupeur face aux élucubrations de ce prétendu magicien royal.
— Ela tu es sûr que ça va ?
La sorcière secoua la tête, se frotta les yeux en espérant faire disparaitre le spectre qui se tenait devant elle d’un air décidé. Sans succès.
— C’est un cauchemar.
Jalina l’entoura de ses bras.
— Tu parles de papa ? Je suis certaine que tu vas trouver une solution Ela ! Tu arrives toujours à tout arranger.
Le visage si confiant de sa sœur éclata le cœur d’Elara. Non, elle n’avait pas de solution. Pourquoi est ce que sa famille imaginait qu’elle pourrait faire plus que ce qu’elle faisait déjà pour Gilfried ?
— Tu as fini ta potion ? Je vais t’aider à la mettre dans les fioles.
— Avec plaisir, tu sais à quel point je suis douée avec les objets en verre, soupira la jeune femme.
Le magicien s’était tu depuis l’arrivée de sa sœur. Grand bien lui fasse. Mais il restait là, planté comme un piquet à les observer en levant de temps à autre un de ses sourcils. Son insistance mettait Elara mal à l’aise, elle redoubla de concentration pour ne pas se ridiculiser une fois de plus.
Quand tout le liquide fut réparti dans les petites fioles puis rangé avec minutie dans le panier tressé d’Elara, sa sœur la poussa à rejoindre le village en sa compagnie.
— Vas-y en première, je vais juste prendre un bain et me changer, je ne suis pas très présentable.
Elara montra du doigt la boue qui était encore collée sur sa jupe en laine. Jalina la dévisagea de la tête au pied, et après un instant de réflexion déclama.
— Effectivement ! Où es-tu allée traîner ?
— Je suis passée par les champs pour aller plus vite.
Elara se mordit la langue de son demi-mensonge. Elle détestait cacher la vérité à ses proches.
— Dépêche-toi, j’emmène déjà tes fioles pour en donner une à maman. Elle joue les fortes, mais tu sais comment elle est. Elle est dévastée par ce qui arrive à papa.
Elara approuva d’un hochement de tête. Elle regarda sa sœur s’éloigner. Elle voulait effectivement se changer, mais d’abord elle devait mettre les points sur les i avec l’élément perturbateur qui la gênait depuis ce matin.
Elle confronta le magicien qui tentait d’attraper une coupelle sur la table en bois, sans succès. Elle toussota pour attirer son attention.
— Ah, la paysanne daigne m’adresser la parole à nouveau ?
— Écoute ! Aelius machin, je n’ai jamais entendu parler de toi et j’ai d’autres préoccupations pour le moment ! Pourquoi tu ne retournes pas au château si tu es tellement connu ? Il y aura bien un mage qui te verra, là-bas.
— Tu refuses de m’aider ?
Une moue dédaigneuse étira ses traits, il s’approcha d’elle. Une vague de froid la submergea comme si elle pouvait sentir son souffle sur la peau de son visage.
— Toi ! souffla-t-il, je crois que tu as mal compris. Tu ne vas pas avoir le choix.
Elara ne se débina pas, planta ses grands yeux verts dans ceux du magicien et rétorqua avec aplomb.
— C’est toi qui as mal compris. On ne demande pas d’aide de cette façon et je n’ai pas le temps. Si je te vois, quelqu’un d’autre le peut surement ! Oust !
Elle lui indiqua la porte d’un mouvement de bras.
Un rictus passa sur le visage d’Aelius. Stupéfait qu’on ose lui tenir tête, il recula et traversa un des murs.
Elara soupira, en d’autres circonstances elle se serait proposée pour l’aider, mais elle n’était pas une héroïne. Elle se devait d’être présente pour sa famille et de trouver un moyen de libérer son père.
Décidée à se laver avant de retourner au village, elle retourna chercher de l’eau. Elle lança quelques coups d’œil aux alentours, inquiète que le magicien décide de camper à l’extérieur. À la fois soulagée de s’être débarrassée de lui, mais coupable d’avoir refusé son aide, elle versa son eau dans son chaudron pour la réchauffer puis dans le baquet de sa salle de bain. Quand la vapeur réchauffa l’air de la pièce, elle s’y immergea et plongea sa tête sous le liquide chaud. Elle laissa le silence assourdissant envahir son esprit. Pendant un instant, elle s’accordait un moment de répit pour ne plus réfléchir à la situation de son père.
Elle remonta à la surface pour reprendre sa respiration.
— Tu essayes de te noyer ? lança une voix masculine à côté d’elle.
Elara sursauta, enroula ses bras autour de sa poitrine pour cacher sa nudité. Aelius, le visage fermé, s’était assis sur le rebord de la baignoire.
— Qu’est-ce que… bégaya-t-elle.
Il se leva en toussotant pour attraper une des serviettes accrochées sur une des paternes de bois fixées au mur.
— J’ai bien réfléchi, continua-t-il, si tu ne m’aides pas, je te collerai jour et nuit. Je te parlerai sans cesse. Je t’importunerai dans tes moments les plus intimes.
Elara écarquilla les yeux. Pourquoi se retrouvait-elle dans cette situation ? Aelius lui lança la serviette qu’elle s’empressa d’empoigner pour s’enrouler à l’intérieur. Ses joues en feu, elle seule semblait gênée.
— Détends-toi, poursuivit-il. Ton corps me laisse de marbre. Tout ce qui m’intéresse c’est de récupérer mon enveloppe charnelle et mes pouvoirs.
— Vous ne connaissez pas le respect de l’intimité au château ? cria-t-elle.
Il leva les épaules.
— Bien sûr que si. Mais aux grands maux, les grands remèdes.
Elara se précipita dans sa chambre en claquant la porte de la salle de bain. Elle s’empressa d’enfiler des vêtements avant le retour de l’enquiquineur. Elle venait à peine de passer son débardeur que le fantôme réapparaissait, s’installait sur son lit en flottant et faisait semblant de tapoter le matelas.
— Je pense qu’on va bien dormir tous les deux ! ricana-t-il.
Furieuse, la jeune femme lui balança sa serviette au visage. Il se mit à rire quand elle le traversa sous les yeux médusés d’Elara. Le cœur de la sorcière s’accélérait, comment allait-elle se dépêtrer de cette situation ?
— Est-ce que tu es en train de changer d’avis ? continua-t-il. Tu vois, ça sera plus facile de m’aider plutôt que de me supporter. À l’académie, personne ne pouvait m’encadrer. En même temps, ils étaient tous plus bêtes que moi.
Elara termina d’enfiler une robe verte en lin épais et s’enfuit de la chambre. Elle attrapa une de ses capes, remit ces chaussures boueuses et fila le cœur tambourinant dans sa poitrine en direction du village. Son cerveau bouillonnait. Elle se demandait même si elle ne pourrait trouver une plante pour le faire disparaitre.
Elle s’accroupit un instant devant le pont en pierre, essoufflée par sa course.
— Elara, ça va ?
Elle se releva pour découvrir Ilyana qui l’observait d’un air inquiet, les mains posées sur ses hanches. En voyant le visage défait de son amie, Elara se rappela que pour elle aussi la soirée ne s’était pas déroulée comme elle le souhaitait. Elle se mordit les lèvres.
— Oh, Ilyana, je suis désolée, tu n’as pas pu offrir ta couronne hier soir ! Comment tu vas ?
Ilyana l’aida à se relever.
— De quoi tu parles Ela ? Ma couronne, c’est le moindre de mes soucis ! Ce qui est arrivé à ton père est une catastrophe.
Le cœur d’Elara se serra.
— On va s’en sortir, murmura-t-elle.
— Bien sûr que vous allez vous en sortir !
Ilyana entoura ses épaules avec ses longs bras fins.
— On est là pour vous aider. Ensemble, je suis certaine qu’on peut trouver une solution ! Tu n’es pas la petite fée du village pour rien.
Ilyana pencha la tête sur le côté avec un air taquin.
— En plus, tout n’est pas perdu pour moi ! Les anciens parlent de réorganiser une fête des fleurs séchées après celle du solstice.
— C’est quoi cette cérémonie ? souffla un vent froid dans son dos.
Les épaules d’Elara se crispèrent en entendant la voix du magicien derrière elle. Il l’avait rattrapée beaucoup trop vite !
— On y va ? demanda-t-elle à Ilyana.
— Oui ! Les autres nous attendent.
Elles traversèrent le village, étonnement silencieux pour rejoindre la salle des fêtes. Alors qu’elle s’éloignait, elle entendit Aelius crier.
— Tu ne peux pas m’échapper, bizarrement je sais toujours où tu te trouves.
Ilyana la traina l’intérieur où les tables décorées avaient laissé leurs places à de longues tables de pique-nique. Certains des villageois fabriquaient des sandwichs avec les restes du repas de la soirée. Dans un coin, elle repéra Doc en compagnie de sa famille. Son père aussi se trouvait là. D’un air dégouté, il croquait dans son sandwich sous les yeux inquiets de sa mère. Elle culpabilisa de n’avoir pu être présente le matin pour aider sa mère et sa sœur.
— Je vais les rejoindre ! dit-elle à Ilyana. On se retrouve tout à l’heure.
— Ça marche, on se trouve à cette table.
Elle désigna le fond de la salle. Ses amis discutaient autour d’une tasse de café. Seul Camille paraissait renfermé, les poings serrés sous la table.
— Faudra que tu m’expliques ce qu’il s’est passé entre Camille et toi, chuchota Ilyana à l’oreille de la sorcière. Parce qu’il tire une de ses têtes depuis ce matin.
— L’amoureux transi semblait déjà énervé ce matin, continua la voix agaçante du magicien. Quand il est parti de chez toi.
Elara attendit qu’Ilyana se soit éloignée pour répliquer du bout des lèvres à l’enquiquineur.
— Mêle-toi de tes affaires.
Elle rallia la table de doc, sa sœur lui tendit un sandwich mis de côté pour elle.
— Elara ! Content que tu nous rejoignes. On discutait des mesures à prendre pour atténuer les symptômes de la malédiction pour ton père. Comme tu le sais, une présence constante les aide à garder un pied dans la réalité. Avec les habitants du village, on propose de se relayer pour le prendre avec nous par demi-journée.
— Mais je peux m’en occuper, rétorqua sa mère.
— Paula, renchérit Doc , tu as vu comment cela s’est passé avec Hildegarde, au bout d’un moment tes nerfs ne suivront plus. Ils sont tellement…
Le magicien s’accroupit à côté d’Elara, rompant la concentration de la jeune femme. Il posa ses coudes sur la table et l’observa d’un air soucieux.
— C’est ça qui t’empêche de m’aider ? Une étrange malédiction qui a touché ta famille ?
Elle secoua discrètement la tête.
— Pourtant ça serait une bonne raison de faire équipe avec moi ! continua le magicien.
Elara fronça les sourcils et se tourna pour regarder les yeux glacés d’Aelius qui brillaient d’une étrange lueur.
— Je recherche le cristal de Yule… il peut exaucer tous les souhaits.